Mise en scène : Jean-Yves Ruf
Assistante : Maria Da Silva
Acteurs : Camille Denkinger, Luna Desmeules et Vivien Hébert
Scénographie : Fanny Courvoisier
Photos Philippe Barailla et Patrice Vatan
Cosimo
Impressions Philippe Barailla
Hier soir, le Garage Théâtre ressemblait à un gymnase, avec en fond de scène tout ce qu’il faut pour se suspendre, au sens sportif du terme : le Petit Théâtre de Lausanne, délocalisé dans la Nièvre pour une semaine de résidence, donnait une répétition publique de son futur spectacle, prévu pour fin avril 2025 dans la capitale vaudoise.
Fasciné par « le Baron perché », roman d’Italo Calvino paru en 1957, le metteur en scène Jean-Yves Ruf a décidé d’en adapter de larges extraits pour en faire la trame de « Cosimo », une nouvelle pièce pour jeunes spectateurs qui prend la forme d’une improvisation dirigée.
Cosimo est un personnage hors du commun : pour s’affranchir des désaccords qui l’opposent à sa famille aristocrate ligure de la fin du XVIIIe siècle, qui voudrait -entre autres- lui faire manger des escargots contre son gré, il se hisse dans un arbre de son jardin pour ne plus jamais en redescendre, avec la complicité inquiète de son petit frère Biagio, qui lui fournit les vivres. Sa voisine Viola ne décolère pas, partagée entre méfiance et admiration pour cet objet arboricole non identifié, et protège de ses intrusions chaque mètre carré de son domaine.
Cosimo est le centre d’intérêt de la pièce mais son personnage, incarné par Camille Denkiger, diplômée et enseignante en arts du cirque, n’intervient verbalement que pour confirmer son refus de toucher terre, et évolue obstinément et en souplesse dans les cordes symbolisant les branches d’arbres. Toute sa vie s’organise à quelques mètres d’altitude, et au fil du temps il devient un symbole d’échappement au carcan des normes sociales, une référence enviée par le commun des mortels restés au ras du sol.
Les jeunes acteurs Luna Desmeules et Vivien Hébert, formés à La Manufacture – Haute école des arts de la scène de Lausanne, ont livré, après seulement cinq jours de répétition, une prestation déjà bien avancée et ont conquis le public par leur assurance et leur humour décalé. Pour les enfants d’accord, mais de tous âges !
Impressions Patrice Vatan
Aussitôt après avoir été invité à rallumer son portable à la fin de la pièce (gimmick valant les trois coups selon Jean-Paul Wenzel), le public a vu une acrobate se hisser au faîte des cintres pour n’en redescendre qu’au moment où ledit public rallumait son portable.
Entre les deux, voici ce qui s’est passé hier soir sur la scène du Garage Théâtre :
Parce que son père le force à manger des escargots, Cosimo, un jeune garçon, ne trouve rien de mieux que de grimper dans un arbre. Il en redescendra quand il aura faim dit le père mais le môme annihile sa faim et ne retombera pas au sol. Poste d’observation idéal pour contempler et refaire le monde.
Dit comme ça on pense aux stylites, ces ascètes hindouistes qui vivent ainsi perchés mais non, c’est ici un baron perché, inventé dans le livre éponyme par l’écrivain italien Italo Calvino (1923-1985) dont le metteur en scène Jean-Yves Ruf crée une version allégée pour le jeune public, en résidence au GT depuis cinq jours.
Un work in progress donc qui tient déjà formidablement la route. Luna Desmeules, superbe d’abattage, est Viola, l’amoureuse de Cosimo ; elle lui voue une sorte d’amour vache qui vise à le réduire en esclavage, et méprise, voire injurie le frère de Cosimo, le narrateur, cet « imbécile en blouson rouge, esclave de son frère », rôle en mode mineur tenu par Vivien Hebert.
Jean-Claude Deslot, derrière nous, résumait d’une phrase l’impression laissée par l’élégance et la souplesse souveraines de Camille Denkinger, l’acrobate incarnant le garçon Cosimo : « Ce corps évoluant entre trapèze et anneau nimbé par la lumière des projecteurs, quelle merveille ! ».://chatborgne.fr/…/cosimo-jeune-public-tout-public/