Le trouble fête – 16-10-2021

Lou Wenzel - Le trouble fête
Texte et mise en scène Viviane Theophilides.
Avec Lou Wenzel.

Texte et photos Philippe Barrailla.

Le trouble fête

« Le Trouble-fête »
Présentation en sortie de résidence d’un texte de Viviane Theophilides sur la vie de Jacob Lenz, poète et dramaturge allemand du XVIIIe siècle, interprété par Lou Wenzel, seule en scène.
« A quoi bon les poètes? » La question introduit d’emblée le thème de la pièce, dont le déroulement se présente comme un long monologue, l’actrice jouant un rôle masculin auquel, paradoxalement, elle apporte la force qui semble manquer au personnage.
L’action se situe à Moscou, où Jacob Lenz a passé ses dernières années ; il est à la rue, misérable, et se couche sur le sol pour mourir.
Il est encombré de gros bagages. Ses vêtements, ses effets personnels ? Non, juste des pierres ramassées tout au long de son périple à travers l’Europe, deux fers à cheval, et des livres, des livres… les bagages d’un poète !
Il revient sur sa vie. Après un long parcours cahotique dans l’Allemagne du « Sturm und Drang », courant littéraire dont il est l’un des principaux représentants, démuni, il revient chez son père à Riga. Il l’implore, le supplie de lui trouver un emploi, (il veut enseigner le latin),
lui promet même d’arrêter d’écrire des poèmes, de détruire ses oeuvres et de se conformer à ce que son géniteur attend de lui, mais le père reste définitivement silencieux, indifférent à sa détresse. Sa présence implacable, invisible et muette, envahit la scène.
Jacob est un être fragile depuis que la « neurasthénie » (schizophrénie) l’a frappé, lui inspirant des idées de suicide, et lui valant un bref mais traumatisant internement psychiatrique. Partout où il passe, il cherche à être aimé, en vain ; il se regarde souvent avec distance et parle de lui à la troisième personne. Oiseau migrateur, éternel marcheur, il va des Alpes à la mer, puis de Riga à Moscou ; il mesure l’épaisseur de ses semelles pour évaluer la distance qu’il lui est encore possible de parcourir, comme une estimation de l’énergie vitale qui lui reste.
Avant de partir pour son dernier voyage, assis au milieu de ses pauvres sacs, il ouvre un livre aux pages lumineuses. « Hölderlin! » s’exclame-t-il. Le jeune poète va continuer l’oeuvre entreprise et faire briller le romantisme allemand de tous ses feux dans les décennies suivantes.
Bravo Lou, toute en sensibilité, successivement fragile et puissante, parfois résignée, toujours émouvante.