Colère noire – 30-08-2022

Colère noire - Gabriel Dufay
Texte : Brigitte Fontaine
Adaptation,
Jeu et mise en scène : Gabriel Dufay
Violoncelle :  Alice Picaud
Lumière : Juliette Oger-Lion

Commentaires Philippe Barailla
Photos : JYL

Colère noire -30-08-2022

Soirée du 30 août 2022, l’avant-dernière du Festival du Garage-théâtre ; il fait frais pour la première fois depuis des semaines, c’est une sensation qu’on avait presque oubliée. La petite laine est bienvenue dans le jardin avant la pièce programmée pour 21 heures ; il est clair que la météo est de mèche avec Gabriel Dufay pour climatiser le thriller brûlant qui se prépare derrière la grande porte de fer.
La pièce est adaptée de « Colère noire » un texte que Brigitte Fontaine a publié en 2009, et qui aborde le thème de la révolte, de la solitude, de l’absurdité de la vie et des rapports entre les êtres. Gabriel Dufay joue seul, accompagné par Alice Picaud au violoncelle.
La scène est jonchée de monceaux de feuilles mortes qui semblent déversées par un immense écran, alors qu’Alice, seule dans son coin, pince tranquillement les cordes.
C’est alors qu’au sol les feuilles sombres se mettent à bouger, à parler d’une belle voix grave et puissante surgie de nulle part, puis une silhouette en émerge et se lève : un être hirsute et effrayant apparaît, le visage maculé de noir, et commence à parler face au public, hagard.
« Mi-suie mi-neige » répète le comédien.
Entre feu et glace : ainsi pourrait-on définir l’ambiance délétère qui règne tout au long du spectacle, porté par une mise en scène remarquable de précision dans l’évocation du chaos. C’est un combat sans fin entre le feu qui détruit, qui libère de l’inutile, voire qui immole, et la glace, la neige carbonique en jets violents qui tente de l’éteindre, d’apaiser les passions, d’éloigner la folie qui guette. La seule scène où Gabriel et Alice semblent heureux, dansant avec fougue sur un dance floor, n’est qu’une mascarade éphémère, une illusion, une vaine tentative d’entrer dans la norme et de s’essayer au bonheur.
La révolte est destructrice quand elle est généralisée, elle en devient absurde, elle tourne dans le vide. Tout y passe : les relations entre les hommes, la politique, l’amour lui-même qui « n’existe pas, c’est pour ça qu’il faut le faire », bien sûr Dieu (« ce n’est pas lui qui a créé le monde, c’est moi »). De violents coups de gueule à l’ivresse libératrice, de l’effondrement résigné au désir de tuer, rien n’apaise celui qui vit à côté du monde ; cette révolte-là est sans issue.