Avec Valère Bertrand,
Pièce de Serge Valletti,
Mise en scène Patrick Pineau.
Impressions Philippe Barrailla
Photos Philippe Barraillaet, Sophie Leloup et JYL
À plein gaz
Serge Valletti, acteur, dramaturge et scénariste ayant notamment collaboré avec Robert Guédiguian, était chargé cette année d’apporter son expertise à l’atelier d’écriture qui se tient au Garage-théâtre du 9 au 15 juin.
Une de ses pièces était présentée hier soir.
« A plein gaz », est un monologue qui s’habille des atours de la comédie pour faire passer des messages d’un cynisme lucide. Valère Bertrand, seul en scène, a pour assistant muet une superbe bouteille de gaz rouge vif dont la présence métallique et ventrue rappelle celle d’une grenade dégoupillée prête à exploser.
Et le public est un peu concerné : claustrophobes s’abstenir, la porte est fermée par une chaîne (factice), en une mise en scène inquiétante qui tendrait à prouver que personne n’est maître de son destin : nous sommes bel et bien à la merci d’un individu qui possède le gaz et la flamme, et donc tient notre sort entre ses mains. C’est un avertissement sans frais, juste une parabole frappante pour nous ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard.
L’unique personnage a lui-même dévié de la route qu’il s’était choisie : pris au piège d’une vie matrimoniale, parentale et professionnelle non désirée, il n’a pas eu droit au bonheur simple auquel il aspirait dans sa jeunesse. Malheureux en tout parce que d’autres ont décidé à sa place et lui ont dicté des choix qui ́n’étaient pas les bons, il tâche d’ouvrir les yeux des spectateurs sur leur propres ratés, passés présents ou à venir.
Sur le ton d’une aimable conversation très désabusée, il nous met en garde avec humour et gravité : nous rions parce que son jeu y incite, nous ne rions plus quand nous réalisons qu’il a (parfois) raison.
Seul en apparence, l’acteur (Valère Bertrand, excellent) fait en réalité corps avec le public, s’adresse à lui comme à un copain de bistrot auquel il raconte sa vie manquée et auquel, par effet de miroir, il n’épargne rien : il lui met le nez dans ses échecs, le blâme pour ne pas avoir compris, alors qu’il était encore temps, qu’il était libre comme l’air de décider lui-même de sa destinée.