présentation acteurs
crédit texte et photos
L'homme sans qualité
Hier soir, après un mois de résidence au Garage-théâtre, le groupe Caute, jeunes comédiens issus du TNS (Théâtre National de Strasbourg), a mis en pause ses répétitions pour donner au public cosnois un instantané de son travail en cours.
S’inspirer du roman « l’Homme sans Qualités »
pour en faire une pièce de théâtre n’est pas choisir la solution de facilité. Cette somme littéraire en trois tomes, inachevée mais comptant tout de même quelque mille huit cents pages, est un des ouvrages importants du début du XXe siècle. Son auteur, Robert Musil, ingénieur puis romancier, essayiste, dramaturge et poète autrichien, esprit cartésien « dévoyé » en littérature, évolue dans une époque de mutation désenchantée après les espoirs scientifiques, techniques et artistiques qu’avaient connus les dernières décennies du XIXe siècle. Proche du mouvement expressionniste qui amplifie les émotions quitte à déformer la réalité (voir le célèbre « Cri » d’Edvard Munch), il prend pour héros un homme sans personnalité propre, mais qui dépend entièrement de ses réactions au monde extérieur, et consigne ses observations avec distance, excès ou indifférence, et non sans humour.
Le réalisateur met ses acteurs en liberté, pioche leurs meilleures idées et finit par constituer un spectacle étonnant de vie et d’énergie. Le décor fait de meubles (surtout des chaises) et de personnages affairés à les déplacer en permanence, cherche une disposition idéale qui certainement n’existe pas ; tout cela finit en vrac dans un chariot à roulettes. Tout change sans cesse, outre le décor, les scènes sont brèves et toujours brutalement interrompues par une intrusion souvent saugrenue.
Désillusion, premières lueurs du fascisme et prémices du premier conflit mondial peignent la toile de fond de la pièce, sombre en soi mais étonnamment légère, parce qu’elle est un témoignage distancié fait par des observateurs impartiaux, juste résignés à s’attendre au pire, voire à y participer.
La réalisation inventive, l’excellent jeu des acteurs, le décor approprié laissent présager le meilleur pour la suite… car l’œuvre va encore évoluer au gré des répétitions.
« L’Homme sans qualités », d’après Robert Musil, par le groupe Caute.